« LES MÉNAGES français dépensent moins de 5 % de leur revenu disponible pour se soigner et souvent plus de 30 % pour se loger. À qui fera-t-on croire qu’il est six fois plus important de se soigner que de se loger et qu’il faut donc socialiser la dépense de manière à diviser le reste à charge par six ? ».
Cette phrase, en conclusion de l’ouvrage « Vive la protection sociale » (1), donne un aperçu de la pensée de son auteur Bertrand Fragonard. Soit un mélange d’admiration pour le système de protection sociale « à la française » et une pointe d’humeur à l’encontre de tous ceux qui occultent ou négligent les enjeux comptables. Pour le magistrat à la Cour des comptes, ex président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM), il faut « réformer le modèle existant et sûrement pas rompre avec lui », en évitant de gaspiller des ressources de plus en plus précieuses.
Dans cet ouvrage précis et argumenté, l’expert consacre plusieurs chapitres au « redoutable défi » qui attend l’État dans « l’indispensable maîtrise de la dépense publique de santé ». Les deux branches les plus gourmandes ? La retraite et l’assurance-maladie. « Pour simplifier », précise prudemment l’auteur, « la France paie très cher pour restreindre sa population active en mettant ses seniors à la retraite plus tôt qu’ailleurs, pour entretenir les inefficiences de son système de soins en renonçant à s’attaquer à la liberté et l’autonomie des professionnels de santé et en campant pour (presque) tous les assurés sur un taux de prise en charge très élevé des dépenses de soins ».
Que faire ? Bertrand Fragonard ne croit ni au scénario du renfort massif des complémentaires santé dans la prise en charge des soins courants (« On privatise la Sécu », crieront certains), ni à celui du remaniement du régime de base à coups de franchises ou de bouclier sanitaire – « ce serait un choc politique et culturel majeur » pour les patients, indique l’auteur. Pour réformer, tranche-t-il, il faut « remettre en question […] les modes d’exercice, les positions acquises ». Bertrand Fragonard n’est pas dupe. Point noir de son « scénario réformiste » : « son acceptabilité politique et sociale ». Notamment auprès des médecins.
(1) Odile Jacob, 300 pages, 23,90 €, septembre 2012.
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