« Nous avons constaté que les femmes étaient moins susceptibles d'être traitées avec un traitement modificateur de la maladie (DMT) que les hommes présentant le même niveau de gravité de la maladie, même en tenant compte des patientes qui ont arrêté de prendre leurs médicaments pendant la grossesse ou après l'accouchement », a déclaré la Pr Sandra Vukusic, cheffe du service de neurologie - sclérose en plaques, pathologies de la myéline et neuro-inflammation – des Hospices civils de Lyon, dans un communiqué de presse de l’American Academy of Neurology.
Selon ses travaux publiés dans Neurology, les femmes ont moins de chances que les hommes de recevoir des médicaments contre la sclérose en plaques (SEP) entre 18 et 40 ans, pendant leur période de procréation, alors que ces médicaments se sont avérés sans danger pendant la grossesse ou qu’ils ont un effet prolongé contre la maladie malgré un arrêt en pré-conceptionnel. « Les femmes qui ne sont pas traitées pourraient avoir de moins bons résultats à long terme et courir un risque accru d'invalidité. Cette perte d'opportunité n'est plus acceptable, car il existe des médicaments compatibles avec la grossesse ou qui peuvent continuer à combattre la maladie longtemps après que les personnes ont arrêté de les prendre lorsqu'elles essaient de concevoir », dénonce la sepologue.
« L'inertie thérapeutique est un défi persistant dans le domaine de la SEP qui a des conséquences durables. Ceci est particulièrement préoccupant pour les femmes, qui représentent environ les trois quarts de la population atteinte de SEP. Il est donc essentiel de s'attaquer aux disparités fondées sur le sexe », constatent également les Prs Gabriel Bsteh et Harald Hegen, neurologues autrichiens, dans un éditorial.
En 2022, la Société francophone de la sclérose en plaques (SFSEP) a mis à jour les recommandations « Grossesse dans la SEP et les maladies du spectre NMO », sous la co-direction des Pr Sandra Vukusic et Christine Lebrun-Frénay, en consacrant un point sur les traitements compatibles avec une grossesse.
20 % de chance en moins de recevoir des traitements hautement modificateurs
L’équipe de chercheurs s’est penchée sur plus de 27 ans de dossiers médicaux de personnes atteintes d’une SEP récurrente-rémittente ayant débuté entre leur 18 et 40 ans (registre de l’Observatoire français de la SEP, OFSEP). Au total, 16 857 femmes et 5 800 hommes, âgés en moyenne de 29 ans, ont été inclus dans l'étude et suivis pendant 12 ans en moyenne. Après ajustement en fonction de la gravité de la maladie, de la grossesse et de la période post-partum, les auteurs observent que les femmes avaient 8 % moins de chances que les hommes de recevoir un DMT. Une proportion qui s’élève à 20 % pour les nouveaux médicaments très efficaces pour réduire les rechutes. Les disparités surviennent dès 1 à 2 ans après l'apparition de la maladie et persistent au moins pendant la première décennie de suivi.
Parmi les 5 268 femmes ayant accouché au cours de la période de suivi, l'utilisation des DMT a commencé à diminuer 18 mois avant la conception, passant de 42,6 à 27,9 % au moment estimé de la conception. Les auteurs n’ont pas bénéficié des informations sur les éventuelles grossesses se terminant par une fausse couche ou une mortinaissance, ainsi que sur les tentatives de grossesse infructueuses. « Les arrêts de traitement dus à ces événements ont donc été pris en compte en ajustant les résultats en fonction du sexe », ont-ils expliqué.
Inertie thérapeutique et préjugés
« L'anticipation de la grossesse a probablement joué un rôle important dans cette différence entre les femmes et les hommes atteints de SEP, mais il pourrait également y avoir une réticence à utiliser ces traitements alors qu'ils constituent en réalité le meilleur moyen de prendre en charge la maladie et de retarder l'apparition d'un handicap », a commenté la Pr Vukusic.
Les neurologues de Lyon pointent aussi le possible décalage entre la vitesse de la recherche et l’information faite aux médecins et leurs patients. « La prudence liée à la grossesse et l'inertie thérapeutique sont deux phénomènes étroitement liés, mais distincts », ajoutent les éditorialistes. « Les facteurs contribuant à la sous-utilisation des DMT comprennent probablement des idées fausses persistantes sur le risque fœtal, les préjugés des cliniciens concernant la tolérance des femmes aux thérapies puissantes, et des obstacles systémiques tels que des protocoles de surveillance incohérents et une disponibilité insuffisante des outils d'aide à la décision. »
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