« Nos bateaux naviguent dans des zones très isolées, les régions polaires par exemple. La spécificité de mon exercice est de gérer les urgences avec une équipe restreinte : un infirmier et quelques membres d’équipage, désignés pour l’aide au brancardage, mais qui assurent d’autres missions à bord », explique la Dr Anne-Marie Carpentier, qui a rejoint, en 2016, Ponant Explorations Group pour poursuivre une activité de médecine embarquée.
Médecin généraliste, Anne-Marie Carpentier a démarré sa carrière en 1992 en milieu rural, dans le Finistère. Confrontée à des situations inédites, comme les coups de sabot de cheval par exemple, elle a passé la capacité de médecine d’urgence en 1994. Deux ans plus tard, l’affectation de son mari, officier de marine, l’a conduite à exercer au service d’urgences de l’hôpital militaire de Toulon. Devenue médecin militaire, elle est partie en mission au Kosovo avec l’armée de terre, où elle a notamment appris la médecine héliportée, avant de rejoindre, avec la marine nationale, le porte-avions Charles-de-Gaulle.
Sur un navire, la Dr Anne-Marie Carpentier réalise le plus souvent des actes de médecine générale : des problèmes dentaires, cutanés, des affections ORL saisonnières ou encore des décompensations de pathologies cardiaques ou pulmonaires chez les sujets plus âgés, nombreux à se laisser tenter par une croisière.
Un hôpital sur l’eau
À bord, les équipements sont impressionnants avec une salle d’urgence – « de déchoquage » –, des défibrillateurs, un électrocardiogramme, un échographe, un appareil de radiologie, des ventilateurs de réanimation, des pousse-seringue… Et il est également possible de réaliser des actes de biologie « délocalisée » : ionogramme, surveillance des fonctions rénales, tests rapides de dépistage, du Covid à l’angine bactérienne. Chaque navire compte aussi deux chambres d’hospitalisation permettant d’isoler ou de surveiller l’état de santé des patients en cas de besoin.
En matière de traitements, la dotation réglementaire de médicaments, ainsi que celle de l’armateur – toutes deux étant contrôlées par la Direction des Affaires maritimes françaises –, permettent aux professionnels de santé de disposer d’un panel pharmacologique complet.
Si l’état d’un patient nécessite toutefois d’être évacué, l’opération relève de la responsabilité du commandant, conseillé par le médecin. « Lorsque nous sommes loin en mer, nous nous rapprochons du Centre de consultation médicale maritime (CCMM), rattaché au Samu du CHU de Toulouse. Si mon confrère du Samu et moi-même estimons que la meilleure décision est d’évacuer un patient, le CCMM avertit le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) Gris-Nez qui se met en relation avec les secours en mer du pays dans lequel nous naviguons afin de donner la ligne de conduite au commandant et de décider de l’envoi éventuel d’un hélicoptère », témoigne la Dr Anne-Marie Carpentier.
Hygiène navale et prévention
Loin de se limiter à la prise en charge de différentes pathologies ou de l’urgence, le rôle de médecin embarqué couvre aussi l’hygiène navale : surveillance des pathologies contagieuses, déclarations obligatoires aux autorités sanitaires en fonction des ports abordés, travail avec les différentes équipes, dont l’hôtellerie, la restauration, etc. Et la Dr Anne-Marie Carpentier délivre également à bord des conseils de prévention en fonction des pays vers lesquels les bateaux naviguent – de la protection contre le paludisme dans les zones tropicales à celle contre les gelures en Antarctique. Des séances d’informations sont également dédiées aux membres d’équipage « exposés plus longtemps aux risques. Les messages sont aussi plus nombreux, portant sur l’alimentation ou encore sur les infections sexuellement transmissibles ».
Assurer la direction médicale de la compagnie
Depuis 2020, la Dr Anne-Marie Carpentier assure également la direction médicale de la compagnie, une fonction qui l’amène à rester en support permanent des médecins embarqués – tous urgentistes ou anesthésistes-réanimateurs – et à mettre en place ou à compléter les procédures. « Je suis disponible pour toutes les décisions d’évacuation, urgente ou temporisée. En cas de rapatriement, je fais le lien avec les compagnies d’assurances. Mon expérience dans l’armée m’a aussi beaucoup aidée pour mettre en place différentes organisations et définir des process. J’ai par exemple normé l’ensemble des navires : la disposition des équipements et des dispositifs médicaux est la même sur chaque bateau et je veille à renouveler le matériel pour qu’il reste le plus performant possible », souligne-t-elle.
J’ai normé l’ensemble des navires : la disposition des équipements et des dispositifs médicaux est la même sur chaque bateau et je veille à renouveler le matériel
Questionnée sur l’intérêt de cet exercice, la Dr Carpentier dresse une longue liste de tout ce qui lui plaît : la possibilité de continuer à faire de la médecine, la variabilité des conditions d’exercice, la maîtrise de l’organisation, le travail en sécurité, le challenge passionnant et stimulant d’être « seule face à un patient », l’anticipation et puis… l’inattendu. « En dix ans, j’ai accumulé beaucoup de souvenirs mais je n’oublierai jamais ma première évacuation, celle d’une femme canadienne qui présentait des signes d’infarctus. Par chance, nous venions d’appareiller de Saint-Pétersbourg. Les équipes de soins locales ont été très réactives et notre passagère a été stentée en moins de trois heures mais j’ai dû longuement négocier avec elle son départ du navire car elle craignait de rester en Russie. C’était une situation insolite que je n’avais pas imaginée ! », conclut-elle.
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