L ES traumatismes crâniens comportant une perte de connaissance, un épisode d'amnésie, ou de désorientation, et un score de Glasgow compris entre 13 et 15 posent un problème de stratégie. Certains neurochirurgiens prônent le scanner systématique face à un risque lésionnel, aussi minime soit-il. Cette attitude est notamment répandue aux Etats-Unis. Au Canada et en Europe, l'attitude est plus réservée, pour des problèmes de coûts et d'accès au matériel d'imagerie - en raison de procès moins fréquents, peut-on aussi supposer. Il existe, par ailleurs, des différences considérables d'un hôpital à l'autre. Au Canada, par exemple, certains centres ont recours au scanner quatre fois plus fréquemment que d'autres. Ces disparités soulignent évidemment l'absence de recommandations claires et consensuelles.
Pour tenter d'isoler des critères cliniques justifiant le scanner, les Canadiens ont donc suivi 3 121 patients, admis aux urgences dans dix hôpitaux importants après avoir subi un traumatisme crânien léger. Tous ces patients étaient adultes, âgés de 38 ans en moyenne. Le score de Glasgow à l'admission était de 13 (3,5 %), 14 (16,7 %) ou 15 (79,8 %).
Les deux tiers de ces patients ont subi un scanner, jugé utile par le médecin, et qui a permis de dépister directement les lésions. Les patients restants, renvoyés dans leurs foyers sans subir l'examen, ont été questionnés quatorze jours plus tard sur les symptômes suivants : maux de tête, problèmes de mémoire ou de concentration, crises épileptiques, troubles moteurs localisés. Si aucun de ces symptômes ne s'était révélé depuis la sortie de l'hôpital, et si le score d'erreur au « Katzman Short Orientation-Memory- Concentration Test » était inférieur ou égal à 10, le patient était considéré comme indemne de lésion cérébrale.
Lésions importantes : 8 % des patients
Au total, 8 % des patients se sont révélés porteurs d'une lésion cliniquement importante (les lésions dites mineures, comme une hémorragie sous-arachnoïdienne localisée, de moins de 1 mm d'épaisseur, ou une contusion isolée, de moins de 5 mm de diamètre, n'ont pas été prises en considération) ; 1 % des patients ont, par ailleurs, dû subir une intervention chirurgicale.
En rapprochant les multiples facteurs potentiellement associés à l'existence d'une lésion, l'équipe canadienne a pu dégager sept critères. Cinq d'entre eux sont des facteurs de risque élevé. Il s'agit de l'impossibilité d'atteindre le score de 15 sur l'échelle de Glasgow dans les deux heures suivant l'accident, de la suspicion de fracture crânienne ouverte, de signes de fracture de la base du crâne, de la survenue d'au moins deux épisodes de vomissements, enfin d'un âge supérieur ou égal à 65 ans.
Selon les calculs, la sensibilité de chacun de ces facteurs est de 100 et 92 %, respectivement, vis-à-vis de l'intervention chirurgicale et du risque de lésion cérébrale. Pour les auteurs, l'identification de l'un de ces facteurs de risque élevé doit conduire automatiquement à l'examen. Le scanner serait alors réalisé chez 32 % des patients.
Deux facteurs supplémentaires ont été isolés : une amnésie de plus de trente minutes avant l'accident et un mécanisme traumatique particulièrement dangereux (piéton renversé, coup reçu avec un objet contondant, chute d'un objet lourd sur la tête, chute d'une hauteur dépassant cinq marches d'escaliers, éjection du véhicule lors de l'accident). Le risque associé à chacun de ces facteurs est inférieur au risque associé aux cinq critères précédents. En ce qui concerne le risque de lésion cérébrale, la sensibilité de ces facteurs « moyens » est néanmoins de 98,4 % et leur spécificité de 49,6 %. Selon les auteurs, l'indication du scanner en présence de l'un de ces critères de risque dépend surtout des ressources. Une surveillance étroite pourrait également se justifier. Si le scanner était réalisé systématiquement devant l'un de ces facteurs, il concernerait 54 % des patients.
Une validation des critères est nécessaire
La liste des sept critères présentés par les Canadiens demande encore à être validée. On peut notamment être surpris de l'absence de critères a priori évidents, comme l'aggravation du score de Glasgow. Maintenant que des critères sont définis, l'équipe annonce son intention de les tester de manière approfondie, dans divers centres nord-américains. La validation de cet outil d'aide à la décision permettrait évidemment de limiter les coûts, sans pourtant passer à côté de lésions cérébrales véritables.
I. G. Stiell et coll. « Lancet », 2001 ; 357 : 1391-1396.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature