De notre envoyé spécial
L E 104e Congrès annuel des médecins allemands, qui a eu lieu à Ludwigshafen (Rhénanie-Palatinat), a été dominé par les protestations des médecins hospitaliers qui, las de travailler souvent plus de trente heures d'affilée, réclament une amélioration rapide de leurs conditions de travail.
Citant différentes études qui montre qu'un médecin, après vingt-quatre heures de travail, est aussi « performant » qu'un automobiliste avec un gramme d'alcool dans le sang, les syndicats de médecins soulignent l'illégalité et les dangers de cette situation et exigent que les heures de garde, pendant lesquelles ils travaillent souvent autant que pendant leurs heures de service normal, soient désormais payées de la même façon et non pas 200 F par nuit. Ils se fondent sur un arrêt de la Cour européenne de justice qui, le 3 octobre 2000, a assimilé les heures de garde à des heures normales de travail. Elles doivent donc être rémunérées à taux plein. Ils exigent la transcription de la jurisprudence européenne dans la législation allemande. L'introduction de cette mesure obligerait les hôpitaux a engager 15 000 médecins supplémentaires et leur coûterait 7 milliards de francs par an. Le gouvernement refuse de l'envisager. Il estime que l'arrêt concernait, à l'origine, un problème spécifique aux médecins espagnols, et ne peut donc pas faire jurisprudence en Allemagne, ce que contestent les médecins d'outre-Rhin.
Plainte contre les hôpitaux
En attendant, les médecins de plusieurs villes ont commencé à porter plainte contre les hôpitaux, au motif que les établissements ne respectent pas la durée légale du travail et ne paient pas aux médecins les heures supplémentaires qu'ils leur doivent. Ces actions ont obtenu le soutien officiel de l'ensemble des participants au congrès de Ludwigshafen et de l'Ordre des médecins qui, dans une résolution, a dénoncé « l'exploitation dont sont victimes les jeunes médecins hospitaliers ».
En raison des restrictions a l'installation, de plus en plus de médecins sont obligés de rester à l'hôpital pendant des années, ce qui limite d'autant le nombre de postes disponibles ; les médecins qui refusent les conditions de travail et de rémunération imposées par les hôpitaux ne trouvent plus de poste. De sorte qu'ils doivent se plier à ces règles, voire, dans certains cas, accepter de travailler à des tarifs inférieurs aux tarifs officiels. Au temps effectivement passé auprès des malades, en service normal ou de garde, s'ajoute, selon les syndicats, la charge croissante du travail administratif, et qui, généralement, n'est pas rémunérée du tout.
Enfin, les astreintes à domicile, elles aussi non payées, rognent le peu de temps libre des médecins. 10 % des hôpitaux ont été fermés depuis dix ans et 15 % du total des lits ont été supprimés ; le nombre de malades ne cesse d'augmenter et 80 % des heures supplémentaires ne sont jamais payées, rappellent les médecins, qui ne veulent plus continuer à assumer le poids des économies décidées par les gouvernements successifs en matière de budgets hospitaliers. A terme, observe l'Ordre, la détérioration croissante des conditions de travail pourrait déboucher sur une crise grave des vocations de médecin hospitalier : actuellement, si l'Allemagne produit encore 12 000 nouveaux médecins par an, seulement la moitié accepte de travailler à l'hôpital au-delà des périodes de stages obligatoires ; les autres préfèrent tenter leur chance à l'étranger ou entamer des carrières, médicales ou non, pour lesquelles il n'est pas nécessaire de passer plusieurs années en milieu hospitalier, même s'ils doivent faire une croix sur leurs possibilités futures d[171]installation.
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