P OUR les syndicats de médecins, et notamment de praticiens libéraux, l'enquête que vient de publier le ministère de l'Emploi et de la Solidarité est pain bénit. En effet, en mettant en évidence un allongement de la durée hebdomadaire de travail du corps médical, cette étude conforte les thèses des organisations professionnelles qui estiment urgent d'obtenir une réduction du temps de travail.
Certes, les résultats de l'enquête du ministère doivent être considérés avec prudence dans la mesure où ils concernent non pas la durée de travail des médecins effectivement constatée - qu'il est impossible de mesurer - mais le temps de travail évalué par les praticiens eux-mêmes, ce qui suppose une certaine marge d'erreur. A cette réserve près, cette étude indique que le temps de travail des médecins a sensiblement augmenté entre 1992 et 2000, en passant de 48 heures à 51 heures. Il s'agit là d'une donnée moyenne qui recouvre en fait de nombreuses disparités. Disparité entre les sexes, d'abord, puisque les femmes médecins travaillent en moyenne 6 heures de moins par semaine que leurs confrères hommes. Disparité entre types d'exercice, ensuite : le généraliste libéral est celui qui travaille le plus (en 1999, son temps de travail moyen était évalué à 56 heures par semaine) et les médecins hospitaliers (48 heures par semaine, selon l'enquête 1999), ainsi que les médecins salariés non hospitaliers (41 heures par semaine) sont ceux qui travaillent le moins. Disparité selon les âges également, surtout en fin de carrière puisque, toutes choses égales par ailleurs, « les médecins âgés de 55 ans ou plus travaillent en moyenne environ 2 heures de moins que ceux de la tranche d'âge inférieure ».
Les conséquences de la demande de soins
Certaines de ces disparités sont cependant trompeuses, comme le soulignent les auteurs de l'étude. « Si, pris dans leur ensemble, les médecins salariés non hospitaliers travaillent en moyenne 15 heures de moins que les généralistes libéraux, c'est essentiellement parce que cette activité est pratiquée par de nombreux médecins à temps partiel et que le travail habituel de nuit, le samedi ou le dimanche y est beaucoup plus rare ».
L'augmentation de la durée du travail enregistrée ces huit dernières années « n'apparaît pas liée à l'évolution des structures démographiques ou professionnelles des médecins », estiment les auteurs de l'étude. Dans ces conditions, à quoi est-elle due ? Le ministère évoque l'hypothèse d'une « demande de soins croissante à laquelle les médecins auraient été tentés de répondre malgré des semaines déjà chargées afin, par exemple, de maintenir leur pouvoir d'achat ». Les auteurs précisent cependant que les données actuelles ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer une telle hypothèse.
L'allongement de la durée du travail va-t-elle se poursuivre dans les années à venir ? L'enquête du ministère reconnaît qu'il est particulièrement malaisé de faire des évaluations dans ce domaine. Elle se risque cependant à établir une projection reposant sur l'hypothèse de « comportements constants ». Dans cette hypothèse - que les auteurs de l'étude qualifient cependant de « peu réaliste » -, la durée hebdomadaire moyenne de travail de l'ensemble des médecins baisserait, entre 2000 et 2020, de 3 heures environ.
(1) « Etudes et résultats » n° 114, direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques, ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature