S ORTE de caution médicale aux actions engagées par la Caisse nationale d'assurance-maladie, le conseil scientifique de la CNAM, composé d'éminents spécialistes (voir encadré), vient de remettre son premier rapport annuel. Outre les nombreux avis rendus sur les projets de recherche financés par la CNAM, les nouvelles technologies amenées à être prises en charge par l'assurance-maladie et le lancement d'études sur certains aspects de la pratique médicale, une attention toute particulière a été accordée cette année à l'organisation des soins primaires.
Et dans ce domaine, les premières recommandations émises par le groupe de travail, chargé de plancher sur la question, sont pour le moins audacieuses. Elles préconisent le regroupement géographique et dans un lieu unique des principaux professionnels de santé, constituant ainsi des minicentres de santé libéraux. L'idée de maisons médicales ou de structures de soins de proximité, déjà évoquée pour répondre à la permanence de soins, pourrait donc être étendue à toute la pratique des soins primaires.
Un état des lieux préoccupant
Des propositions originales destinées, selon les membre du conseil scientifique de la CNAM, à répondre à « un état des lieux préoccupant ». « Force est de constater que, malgré des moyens humains, technologiques et financiers considérables disponibles, la pratique des soins primaires est loin d'être adaptée aux besoins de la population, faute d'une politique cohérente et spécifique », estiment-ils dans leur rapport.
C'est la dévalorisation de la place du médecin généraliste, observée au cours des dernières décennies, qui explique ces carences : formation inadaptée à la pratique, situation d'infériorité apparente par rapport aux spécialistes, mode de rémunération monolithique et isolement dans la pratique professionnelle. Or, selon le rapport, ce constat ne peut que s'aggraver dans les dix prochaines années en raison des restructurations hospitalières, de la baisse démographique des médecins généralistes, des pédiatres et des gynécologues libéraux, de la féminisation du corps médical et des exigences de qualité des conditions de travail exprimées par les jeunes médecins.
D'où l'idée émise de mettre en place de nouvelles structures de prise en charge des soins primaires, correspondant à des « communautés de population ». Il s'agirait en fait de regrouper, dans le même lieu, tous les professionnels de santé, impliqués dans la prise en charge des soins primaires : médecins généralistes, infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues, kinésithérapeutes, diététiciens, podologues, pharmaciens d'officine et dentistes.
Regroupés au sein de sociétés civiles de moyens, ces professionnels disposeraient de techniques minimales de diagnostic comme les « Docteur tests » permettant des dosages biologiques simples, de la possibilité de réaliser des examens cytobactériologiques des urines et une numération formule ou encore l'utilisation du dinamap ou d'un Holster de pression artérielle.
La mise en place de ces « cabinets de groupe nouveau modèle » nécessiterait toutefois des mesures incitatives, notamment en termes de rémunération. Le rapport suggère que les revenus des généralistes puissent, sous réserve d'un cahier des charges précis notamment en termes de permanence des soins et de prévention, être alignés sur ceux des spécialistes sous diverses formes : rémunération forfaitaire pour la prise en charge de maladies chroniques, capitation, bonification au prorata du respect des bonnes pratiques cliniques et des recommandations. Par ailleurs, des dégrèvements de charges locales et fiscales pourraient être envisagées dans l'esprit des zones franches ainsi que des avantages sociaux spécifiques.
La FMC dans les facultés
Pour obtenir ces avantages, ces structures passeraient avec l'assurance-maladie des contrats d'objectifs fixant leurs obligations et le financement de leur activité pourrait être étendue, au-delà de l'activité de soins proprement dite, aux municipalités, régions, et départements.
Mais le rapport insiste aussi sur la formation des médecins généralistes. Au-delà de la modification des programmes du second cycle des études médicales qui est actuellement en cours, le conseil scientifique de la CNAM propose l'introduction d'un stage obligatoire chez un praticien généraliste d'au moins six mois pour tous les étudiants de second cycle. « La formation à la médecine générale doit être l'objectif institutionnel majeur (...) de toutes les facultés et concerne tous les futurs médecins », insiste le rapport, qui souligne le rôle fondamental de la formation continue « dont l'industrie pharmaceutique ne doit plus assurer l'essentiel du financements ».
Dix-huit personnalités
Le Conseil scientifique de la Caisse nationale d'assurance-maladie a été mis en place en septembre 1999 par Jean-Marie Spaeth. Présidé par le Pr Jean-Pierre Etienne, il est composé de dix-huit membres nommés par le directeur et le président de la CNAM, personnalités indépendantes du milieu scientifique et médical.
Il est chargé de donner son avis sur les questions scientifiques dont il est saisi par la CNAM, notamment dans le domaine de l'organisation des soins comme l'intérêt médical des nouvelles technologies, les modalités de diffusion aux professionnels des recommandations de bonnes pratiques, les critères d'habilitation à la pratique de certains actes ou encore les aspects techniques et médicaux de nouveaux modes de dispensation des soins. Il donne également son avis sur les projets de recherche financés par la CNAM.
Y siègent actuellement pour une période de trois ans renouvelables les Drs Christian Barbe (chirurgie générale), Gilles Errieau et Didier Seyler (médecine générale), Jean Martin (santé publique), les Prs Geneviève Barrier (anesthésie-réanimation), Claude Béraud (hépato-gastro-entérologie), Jean-Pierre Boissel (pharmacologie), Claude Carbon (médecine interne), Gérard Cathelineau (diabétologie, nutrition, endocrinologie), Jean Escat (chirurgie viscérale), Michèle Fardeau (économie de la santé), François Grémy (biostatistique, informatique), Philippe Rouleau (radiologie), Olivier Saint-Jean (médecine interne, orientation gériatrie), Paul Schaffer (épidémiologie), Edouard Zarifian (psychiatre) et Michel Setbon (sociologie).
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