De notre correspondant
L E Dr Robert Spitzer, un psychiatre de New York, a interrogé 153 hommes et 47 femmes qui ont signalé qu'ils avaient changé leur orientation sexuelle après avoir été conseillés par des soignants et étaient restés hétérosexuels pendant cinq ans au moins. Chacune de ces personnes a exposé pendant de trente à quarante minutes ses préférences sexuelles, son comportement et ses fantasmes.
Le Dr Spitzer était déjà sur la défensive quand il a présenté son travail à la réunion de l'APA. « Tel qu'il a été fourni par les sujets eux-mêmes, l'exposé sur le changement de comportement semble valable, a-t-il déclaré. Il ne s'agit ni d'un lavage de cerveau ni de vœux pieux. Nous en concluons que des sujets qui suivent une thérapie avec l'objectif de changer d'orientation sexuelle y parviennent de façon durable. »
Débat éthique
L'orateur s'est hâté de dire qu'il ne savait pas si ces changements d'orientation sexuelle constituaient la règle ou l'exception et, surtout, qu'il ne fallait pas s'appuyer sur son travail pour engager des traitements coercitifs. Il n'en a pas moins été accueilli avec un très grand scepticisme par ses confrères.
« Il y a tout un groupe de gens qui pensent que tout comportement homosexuel peut être changé et doit être changé, déclare le Dr Daniel Borenstein, de l'université de Californie à Los Angeles (UCLA), et qui imposent leurs valeurs et leur point de vue, ce qui est tout à fait inapproprié. » Les organisateurs de la réunion ont d'ailleurs pris leurs distances par rapport à l'étude du Dr Spizer en réaffirmant qu'elle ne modifierait pas l'attitude officielle de l'APA, pour qui l'homosexualité n'est pas une maladie mentale et ne réclame donc aucune thérapie. Position qui est relativement récente, puisque, jusqu'en 1973, l'APA considérait l'homsexualité des hommes ou des femmes comme un trouble mental.
De nombreux psychiatres qui se trouvaient à La Nouvelle-Orléans ont, en outre, critiqué la méthodologie du Dr Spitzer ; selon eux, il n'aurait pas dû se contenter d'un entretien de trente minutes, et l'étude aurait été plus crédible s'ils avaient suivi le changement qu'il rapporte pendant plusieurs années. Ils ajoutent que le psychiatre n'a réuni ses patients que parce qu'il lui ont été envoyés par d'autres médecins et sinterrogent donc sur la valeur de l'échantillon. « On peut se demander si ces patients ne sont pas arrivés au cabinet du Dr Spitzer, parce que le traitement qu'on leur a appliqué a échoué, déclare le Dr Marshall Forstein, un professeur de psychiatrie à Harvard. On aurait préféré une cohorte comportant des cas où le traitement a été un succès. »
Le Dr Spitzer est dans une position personnelle d'autant plus embarrassante qu'il a été parmi les psychiatres qui ont aidé l'APA à renoncer au classement de l'homosexualité parmi les troubles mentaux.
De toute façon, l'APA a pu aussi écouter la communication d'un psychologue de New York, Ariel Shidlo, qui est parvenu à des conclusions diamétralement opposées à celles du Dr Spitzer. M. Shidlo a étudié le cas de 215 homosexuels, hommes et femmes, qui ont été interrogés pendant quatre-vingt-dix minutes sur une période de cinq ans, de 1995 à 2000. Dans leur majorité, les personnes de ce groupe ont déclaré qu'elles avaient essayé de modifier leur comportement sexuel sans y parvenir. Beaucoup des personnes interrogées ont ajouté que les efforts qu'elles ont déployés pour devenir hétérosexuelles leur ont été nocifs.
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