Acte I : la souris
Si les travaux du Dr Schenk ont contribué à notre compréhension du rôle de l'amyloïde bêta (A bêta 42) dans la pathogenèse de la maladie, ce dernier se distingue surtout comme l'inventeur de l'immunothérapie amyloïde bêta pour traiter la maladie d'Alzheimer. Ses travaux clés sur la souris transgénique ont été publiés il y a deux ans (« Nature » et « le Quotidien » du 8 juillet 1999). Un bon modèle animal pour la maladie d'Alzheimer est la souris transgénique PDAPP, qui exprime en excès la protéine humaine APP mutante (protéine précurseur de l'amyloïde mutée au codon 717) et développe progressivement une neuropathologie similaire à celle de la maladie d'Alzheimer.
Schenk et coll. ont immunisé ces souris transgéniques avec une forme synthétique de l'amyloïde bêta 42 humaine, dont l'accumulation forme les plaques amyloïdes dans les cerveaux des patients affectés d'Alzheimer. L'immunisation avant la survenue des anomalies neurologiques (souris âgées de 6 semaines) prévient presque complètement le développement des plaques amyloïdes bêta, ainsi que la dystrophie neuritique et l'astrogliose. L'immunothérapie des souris plus âgées (11 mois), lorsqu'elles ont déjà développé des dépôts d'amyloïde bêta et d'autres anomalies neurologiques, réduit aussi de façon importante l'étendue et la progression des anomalies neurologiques. L'immunisation entraîne, chez les souris, la production d'anticorps antiamyloïde bêta, et il apparaît dans les plaques amyloïdes des cellules monocytaires/microgliales qui immunoréagissent avec l'amyloïde bêta.
« Nos résultats soulèvent la possibilité que l'immunisation avec l'amyloïde bêta pourrait efficacement prévenir et traiter la maladie d'Alzheimer », concluaient les chercheurs dans « Nature ».
Acte II : l'essai de phase I chez l'homme
D'après le Dr Roger Rosenberg, ex-président de l'American Academy of Neurology, le vaccin « a de bonnes chances d'être efficace chez les patients ». Toutefois, ajoute-t-il, « nous devons avancer avec prudence et garder un esprit critique car le modèle de la souris transgénique se rapproche mais ne reflète pas exactement ce qui survient chez l'homme ». Les premiers essais de phase I (tolérance) chez l'homme ont eu lieu aux Etats-Unis et au Royaume-Uni chez une centaine de personnes. La première étape, portant sur 24 patients, a été présentée au Congrès mondial sur l'Alzheimer (Washington, juillet 2000, lire « le Quotidien » du 19 juillet 2000) ; une injection unique était bien tolérée. La seconde étape de cette phase I consistait à réaliser, chez 80 patients, trois injections réparties sur plusieurs mois. « L'essai de phase I, conduit sur une centaine de patients affectés d'Alzheimer, se termine bientôt », a déclaré au « Quotidien » le Dr Schenk. « Nous avons observé une réponse immunologique, et nous espérons commencer l'essai de phase II avant la fin de l'année. »
Acte III : l'annonce de la phase II
« Maintenant que la tolérance du vaccin a été confirmée chez l'homme, on envisage les essais de phase II en France et aux Etats-Unis, explique au « Quotidien » le Pr Françoise Forette. Ces essais vont véritablement confirmer ou infirmer l'efficacité du vaccin car on ne peut encore rien conclure à partir des résultats chez la souris transgénique.Il est vrai que ces recherches sur la maladie et les procédés qui permettent de réduire la production de dépôts amyloïdes sont parmi les plus importants de ces dernières années.Mais ce sont les recherches qui sont importantes, pas encore les résultats. »
« En France, poursuit le Pr Forette , le protocole des essais cliniques n'a pas encore été finalisé et on ne connaît pas la liste exhaustive des centres, répartis sur toute la France, qui y participeront. Ces essais doivent aussi être approuvés par le CCPPRB (Comité consultatif de la protection des personnes participant à la recherche biomédicale) avant que nous puissions en parler aux médecins et aux familles. »
* Congrès de l'American Academy of Neurology.
Le prix Potamkin
Etabli il y a quatorze ans par la famille Potamkin, le prix Potamkin, attribué chaque année, est devenu en quelque sorte le prix Nobel dans le domaine de la recherche sur la maladie d'Alzheimer et les autres démences. Il s'est même révélé une antichambre du prix Nobel, puisque Stanley Prusiner, prix Nobel de médecine en 1997, était l'unique lauréat du prix Potamkin en 1991 pour ses travaux sur les maladies à prions.
L'unique lauréat cette année est le Dr Schenk, vice-président de la section recherche découverte chez Elan Pharmaceuticals, qui se consacre depuis treize ans chez Elan à la recherche sur la maladie d'Alzheimer.
« Je suis ravi de recevoir le prix Potamkin, un jalon dans ma carrière et un honneur que je partage avec mes collègues chercheurs d'Elan, a déclaré le Dr Schenk lors de la remise du prix. J'aimerais remercier la famille Potamkin et l'Académie américaine de neurologie pour leur soutien et leur encouragement. J'espère que la poursuite de la recherche aboutira à des traitements significatifs pour les patients affectés de la maladie d'Alzheimer. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature