O N sait que le pronostic des personnes qui ont un arrêt cardiaque extrahospitalier est généralement mauvais.
Dans 50 à 70 % des cas, l'origine de l'arrêt cardiaque est un infarctus ou une embolie pulmonaire. Or, dans ces deux conditions, en dehors de l'arrêt cardiaque, la thrombolyse est efficace. Lors de manuvres de réanimation cardio-pulmonaire, la thrombolyse est classiquement contre-indiquée car on craint qu'elle ne provoque des complications hémorragiques sévères.
Cette crainte est-elle justifiée ? Ne se prive-t-on pas d'un moyen efficace ? On peut légitimement se poser la question car des données expérimentales ont indiqué que, pendant les manuvres de réanimation, la thrombolyse améliore la reperfusion microcirculatoire cérébrale précoce. D'où une étude conduite par une équipe allemande et publiée dans le « Lancet ».
Dans un premier temps, afin de constituer le groupe contrôle, les auteurs ont recensé pendant un an des victimes d'arrêt cardiaque extrahospitalier, qui ont été traités de façon « classique » (manuvres de réanimation avec massage cardiaque), sans thrombolyse. Puis ils ont recruté les « cas » qui allaient bénéficier de la thrombolyse après insuccès de la réanimation initiale. Les critères d'inclusion étaient : âge de 18 à 75 ans, absence de traumatisme majeur ou mineur, absence de signe de saignement interne ou externe, absence de retour à une circulation spontanée dans les quinze minutes d'une réanimation conventionnelle.
Les « cas », après quinze minutes de réanimation sans succès, recevaient un bolus d'héparine (5 000 U) et du rt-PA (50 mg en deux minutes). Si l'on n'obtenait pas de retour à une circulation spontanée dans les trente minutes, ces patients recevaient à nouveau 5 000 U d'héparine et 50 mg de rt-PA.
Dans le groupe contrôle, si l'on n'obtenait pas de retour à la circulation spontanée en quinze minutes, la réanimation était poursuivie.
Les objectifs primaires de l'étude étaient : la sécurité du protocole (absence de complications hémorragiques liées à la réanimation), le retour à une circulation spontanée et l'admission dans une unité de soins intensifs. Les objectifs secondaires étaient la survie à 24 heures et la sortie de l'hôpital.
Au total, 90 patients ont été inclus dans l'étude : 50 dans le groupe contrôle et 40 dans le groupe thrombolyse. Il n'y avait pas de différence entre les deux groupes en ce qui concerne l'âge, le sexe, le nombre d'arrêts cardiaques devant témoins, l'intervalle entre l'alerte et l'arrivée des secours, le rythme cardiaque initial et le nombre de patients qui ont subi une défibrillation électrique.
Des complications hémorragiques gastriques, nécessitant des transfusions, ont été vues chez deux patients du groupe thrombolyse au bout de 2 et 12 jours.
Dans le groupe thrombolyse, un retour de la circulation spontanée a été observé chez 68 % des patients et une admission en soins intensifs a été possible pour 58 % ; dans le groupe contrôle, ces pourcentages étaient de 44 % (p = 0,026) et 30 % (p = 0,009).
Vingt-quatre heures après l'arrêt cardiaque, 35 % du groupe thrombolyse contre 22 % du groupe contrôle étaient encore en vie (p = 0,171). Enfin, 15 % du groupe thrombolyse contre 8 % du groupe contrôle ont quitté l'hôpital.
« Par rapport au traitement standard, si les patients étaient traités par héparine et rt-PA, l'odds ratio était de 2,65 pour le retour à une circulation spontanée et de 3,15 pour l'admission en soins intensifs », indiquent les auteurs.
La sécurité
« Nos résultats montrent que, après une réanimation cardio-pulmonaire initiale sans succès, la thrombolyse combinée à l'héparine est faisable et sûre. La thrombolyse pendant la réanimation n'a pas provoqué de complications hémorragiques liées à la réanimation. De plus, ce traitement semble efficace en améliorant le devenir des patients. »
« Un des résultats les plus importants est la sécurité de la thrombolyse pendant la réanimation. »
Sur le plan physiopathologique, les auteurs font plusieurs remarques.
Premièrement, la thrombolyse agit localement sur le site de la thrombolyse artérielle (cas de l'infarctus) ou de la thrombo-embolie veineuse (cas de l'embolie pulmonaire), ce qui fait que la cause de l'arrêt cardiaque peut être traitée rapidement. Deuxièmement, on sait que les patients qui ont un infarctus et qui bénéficient d'une thrombolyse après succès des manuvres de réanimation ont un meilleur pronostic que ceux qui n'ont pas de thrombolyse. Dès lors, les patients qui ont un infarctus avec arrêt cardiaque, donc des manuvres de réanimation, pourraient tirer davantage partie de la thrombolyse que ceux qui n'ont pas d'arrêt cardiaque.
De plus, l'héparine et le rt-PA améliorent la reperfusion microcirculatoire, et le rt-PA a un effet positif sur la tolérance cérébrale à l'ischémie. Enfin, après arrêt cardiaque expérimental, l'héparine et les agents thrombolytiques entraînent une amélioration immédiate au niveau de la microcirculation cérébrale, une amélioration de la contractilité myocardique et une augmentation de la survie.
« Sur la base de nos résultats, concluent les auteurs, un essai randomisé contrôlé doit être envisagé comme éthique. »
« Lancet », vol. 357, 19 mai 2001.
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